Le problème avec les notes n’est pas celui que vous croyez

Tout le monde les détestent, tout le monde veut les garder. Pourquoi ?

Julien Dorra
3 min readJul 4, 2014

Les notes. J’ai croisé de nombreux enseignants — depuis l’élémentaire jusqu’aux niveaux universitaires — qui trouvent que les notes sont un indicateur inadéquat comme reflet complet d’un élève et un outil de mesure peu efficace. Qu’elles sont génératrices d’angoisse et qu’elles détournent de la motivation intrinsèque de l’apprentissage au profit d’une motivation extrinsèque. Et qu’elles provoquent un effet pygmalion négatif (“je suis un cancre”).

Dans le même temps, les discours sur les notes continuent de leur trouver des vertus ad-hoc, et elles sont toujours ardemment défendues comme utiles dans un cas ou un autre.

Que se passe-t-il ?

Il se passe que les notes en sont arrivées à combiner en un seul chiffre de nombreux usages — j’en ai relevé neuf !

* Mesurer le savoir acquis sur un sujet
* Analyser la progression individuelle
* Classer l’élève au sein du groupe, et le groupe au sein d’ensembles encore plus grand.
* Sanctionner l’échec ou la paresse(le zéro ne mesurant rien, il sanctionne seulement)
* Servir de barrière au diplôme (brevet, bac, etc.)
* Évaluer l’implication de l’élève (en comparant les notes du contrôle continu par exemple)
* Déplacer la responsabilité de la non-acquisition du savoir sur l’élève (par opposition à un simple Acquis / Non Acquis où la responsabilité peut être portée par l’enseignant)
* Compenser entre eux des savoirs et compétences totalement différentes et créer ainsi un niveau moyen de l’élève (un 18 en math compense un 2 en français, et permet donc de passer à la classe suivante en masquant la non maîtrise)
* Évaluer de manière normative par rapport à un élève ou un étudiant moyen qui aurait autour de 10 à 12

Agglomérer ainsi autant de fonctions dans un seul indicateur, puis faire reposer tout le système dessus… est-ce une bonne idée ?

C’est certainement une erreur éducative aussi bien que statistique, et cela a plus à voir avec notre obsession collective de la mesure pseudo-scientifique qu’avec une intention pédagogique claire.

Puisque les notes servent à tout cela, il aussi est compréhensible que la discussion ne puissent se dénouer. Car quand quelqu’un nous parle « des notes », il nous parle de ces neufs usages, en même temps, séparément, ou dans toute combinaison possible.

Un discours clair sur les notes doit donc creuser en dessous, et se focaliser sur les différents usages amalgamés pour les analyser un à un.

Pour ma part, je prone l’abandon de tous ces B+, 12/20 et autre 8/10 qui détournent notre énergie et notre attention. Les notes nous empêchent d’imaginer de vrais indicateurs pédagogiques.

L’abandon « des notes » n’est pas l’abandon du suivi des élèves et des étudiants , bien au contraire. Un réel suivi pédagogique des élèves passe par la différenciation des objectifs de suivi, par la réflexion sur ce que nous voulons évaluer, par rapport à quoi, pour le comparer avec quoi.

PS: Nous pourrions commencer par remplacer les chiffres et les lettres et les échelles de valeurs faussement objectives par des mots qui ont du sens, des mots choisis en communs et expliqués à tous.

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Julien Dorra

Creative technologist. I build creative-tech formats & communities: #museomix co-founder • ArtGame weekend • @codinggouter • Fête #codecreatif. ➡@SavoirsCom1.